Angoulême vue par Stendhal
En 1836,
sous le fallacieux prétexte d'une santé chancelante, le consul Henri Beyle obtint un congé qui lui permit de rentrer à Paris
Voilà donc Beyle à Paris, à l'abri du besoin, mais impécunieux tout de même et avec "une masse de loisirs sur les bras". Pour améliorer son budget, il
entreprend un travail de librairie analogue à ceux qu'il avait publiés en 1817, "Rome, Naples et Florence", et en 1828 "Promenades
dans Rome". Il songe cette fois à décrire son propre pays. Il écrira
donc le guide d'un voyage à travers la France. Il connaît
bien l'est et le sud mais beaucoup moins le centre et pas du tout l'ouest.
Il part donc pour la Bretagne, le Bordelais, pousse une pointe en Espagne, puis remonte de Bordeaux à Valence,
gagne la Suisse, l'Alsace et rentre à Paris. Mais il ne s'interdit pas
de piller Millin (Voyage dans le département du Midi de la France, 1807-1811) et Mérimée (Notes d'un voyage dans l'Ouest de la France, 1836).
De cet amalgame sortirent "Les mémoires d'un touriste"
publiées fin juin 1838. La page suivante est extraite de l'édition d'Ernest
Abranevel aux Editions Rencontre (1961).
"Angoulême, le samedi 10 mars 1838, à 4 heures.
"Sourcils admirables des femmes d'Angoulême. C'est
vraiment l'arc d'ébène dont parlent Les Milles et une Nuit.
"La ville est située, comme Pérouse en Italie, comme Rieti, sur
le sommet d'une colline en pain de sucre, de façon que, de l'extrémité occidental de la promenade
composée d'assez beaux arbres, la vue plonge sur une belle vallée et remonte ensuite jusqu'aux jolies
collines placées en amphithéâtre de l'autre coté et parallèles, ce me semble,
à celles sur laquelle Angoulême est restée.
"C'est une de ces villes qui ne soit point descendue dans la plaine, quand la peur d'être saccagée
tous les dix ans n'a plus été le sentiment dominant des pauvres bourgeois. Dans le Moyen Age ils étaient protégés par le roi de France qui était loin, et régulièrement pressurés
par les seigneurs du voisinage qui cédaient à leurs mouvements de colère et se faisaient pour
un rien la guerre entre eux, bien persuades que l'argent des bourgeois les empêcherait de sentir les désagréments
de la misère, après tant d'argent dépensé mal à propos à la guerre.
"Sur les bords de la Charente, avant de monter à
Angoulême, mon œil charmé a aperçu les premiers
bourgeons des haies de sureaux donnant signe de vie après le si rude hiver 1837 à 1838."
Recueilli par R. Bonnet
Extrait des Bulletin et Mémoires de la Société Archéologique
et Historique de la Charente, Année 1967.
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