Marguerite Texier
Nourrice de Marguerite de Valois
Qu'était Marguerite Texier dont le
charme et la vivacité d'esprit entourèrent d'une sorte d'auréole les premiers pas de Marguerite de Valois ? Bon nombre d'auteurs épiant l'existence de la
fille de Charles de Valois d'Angoulême, regardent, Marguerite Texier comme l'animatrice des inspirations poétiques de Marguerite de Valois.
D'après M. le marquis Horic de la Mothe St-Genis, de
Goursac, de regrettée mémoire, Marguerite Texier naquit à Cognac vers 1469. Sa maison existait encore en 1870 à peu près dans l'état ou elle y vécu
: "tenant à la grande rue qui va du grand canton de la ville à la Font
du Chasteau". Elle mourut après 1527 car elle est ainsi dénommée
à cette date "nourrice de la Reyne de Navarre"
(Arch. L 526, cote 144), ce qui laisse à penser qu'elle vivait encore après le mariage de Marguerite de Valois avec Henri d'Albret, roi de Navarre.
Par sa mère elle appartenait à cette famille Du Thillet dont il est si souvent parlé en Angoumois.
On sait que l'hostel et le fief de ce nom se trouvait au centre de la ville de Chateauneuf.
Les Du Thillet étaient peu fortunés, mais de noble
extraction. Dès le quinzième siècle, les personnages connus de cette maison eurent le goût
des lettres et des sciences.
Louise de Savoie les accueillit favorablement à sa Cour
d'Angoulême et de Cognac qui attirait tous les esprits cultivés de ce temps. La comtesse d'Angoulême attacha à sa personne la jeune nièce d'Hélie du Thillet, auquel elle continua sa confiance après la mort de son mari (1496). Hélie
du Thillet était receveur général des domaines du Comte d'Angoulême depuis 1488. Il jouissait d'une grande considération
en Angoumois. Au début du seizième siècle,
les notables et les bourgeois le désignèrent pour la première magistrature de la cité.
Quand Louise de Savoie donna le jour à Marguerite de Valois au château d'Angoulême, le 11 avril 1492, la Comtesse d'Angoulême la
destina pour nourrice à sa fille.
A la cour, Marguerite Texier apportait un sérieux de
caractère qui contrastait singulièrement avec la vie efféminée qu'on y menait. Dévouée
pour tous, humaine envers les fermiers de son oncle, généreuse, elle avait au cœur l'amour passionné
du pays d'Angoumois. Aussi est-on surpris du choix fait par
Louise de Savoie si hautaine et frivole.
Marguerite Texier sut se faire aimer de l'enfant qu'elle fut
chargée d'élever et Marguerite de Valois se rappela
avec affection sa nourrice si bonne pour elle, ses leçons pleines de bon sens et cet enseignement ne fut
jamais perdu. La fille de Louise de Savoie goûtait peu
l'éclat et la frivolité des cours d'alors, elle préférait à toutes ces adulations
et à ces ambitions la société des gens de lettre : plus tard sa cour de Nérac en devint le modèle. Déjà à l'époque des fiançailles de François Ier (1407) avec Claude de France, fille de Louis XII, elle avait fixé l'attention
du futur Roi sur les mérites de Marguerite
Texier ; et par Marguerite de Valois
le prestige de la spirituelle nourrice s'exerça jusque sur celui qui devait régner sous le nom de
François Ier (1515). Celui-ci considérait Marguerite Texier comme bien supérieure à sa nourrice Andrée Lignoire. Il admirait son intelligence et son affection pour le
pays charentais. Il voyait en elle la première inspiratrice des beaux poèmes qu'esquissait et écrivait
Marguerite de Valois.
En 1519, Marguerite Texier se retira dans sa maison de Cognac. Elle avait pu obtenir pour la famille d'Hélie
du Thillet la prévôté de Mainxe, non loin de la Charente, relevant de sa souveraine,
Louise de Savoie, qui tenait le château de Bouteville.
François Ier lui reconnu et lui conféra cette
prévôté en cette année même ; en même temps qu'il l'anoblissait avec sa
famille. Le Roi leur accordait de grands biens auprès
de Cognac et d'Angoulême.
Aussitôt la défaite de Pavie (1525) et instruite
de la trahison du duc d'Alençon; son mari; Marguerite de Valois quitta Cognac pour aller adoucir la captivité de son frère à Madrid. Des auteurs consciencieux regardent Marguerite Texier
comme la conseillère de Marguerite de Valois. Elle aurait
sévèrement réprouvé la conduite du duc d'Alençon et n'aurait eu pour lui aucune commisération. Le duc d'Alençon; en apprenant que sa femme l'abandonnait; en mourut de désespoir.
Plus tard, lorsque Marguerite, reine de Navarre, alla, après la mort de François Ier
dans l'été de 1547, apaiser sa grande douleur chez les Bénédictines de Tusson, c'est encore les premières leçons
de Marguerite Texier qui lui revinrent à la pensée.
Elle ne devait plus les abandonner jusqu'à sa mort au château d'Audos, 21 décembre 1549.
Le présent que fit François Ier à Marguerite Texier et a ses frères, leurs héritiers le conservèrent
précieusement jusque par delà la Révolution
française. Une de leurs dernières descendantes tenait encore plusieurs fiefs dans l'ancienne Châtellenie de Blanzac, ayant appartenu jadis aux comtes de Fouquebrune. En 1829, cette héritière épousait un fils
d'espagnol fixé en France. Une partie de ce domaine a
été reprise depuis près de vingt ans par une famille dont les ascendants furent primitivement
syndic de Cognac et dignitaires de la cathédrale St-Pierre d'Angoulême.
Bernard-Fauconnier - Extrait des Bulletins et Mémoires de
la Société Archéologique et Historique de la Charente
Année 1937
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